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Ma contribution auprès de la commission européenne pour l'arrêté concernant les frais de port à 3 euros

Madame, Monsieur,

 

Avant de déménager, il y a deux mois, je vivais à plus de 20 kilomètres de la librairie la plus proche de chez moi. Il me fallait 30 minutes en voiture pour m’y rendre. Je ne suis pas un cas isolé. Beaucoup de lecteurs vivent en zone rurale et utilisent l’achat en ligne pour avoir accès à la culture. Fixer les frais de livraison pour la vente de livres brochés à trois euros, serait les condamner à payer trois euros en plus par livre acheté. Il faut également penser aux personnes handicapées, souffrantes, qui ne peuvent pas se déplacer, et se reposent sur la vente en ligne pour obtenir leurs livres. Doivent-ils payer trois euros de plus parce qu’ils ne sont pas en capacité de se rendre à la librairie la plus proche ? 

 

J’aimerais également attirer votre attention sur les autoédités. La vaste majorité des autoédités ne sont pas distribués, et encore moins diffusés en librairie. Ils vendent exclusivement à travers des plateformes en ligne, comme Amazon. À ce jour, les plateformes en ligne sont leur unique moyen de vendre leurs livres papiers. Cette loi signifie quelque chose de simple : demain, le livre papier d’un autoédité coûtera trois euros plus cher qu’un livre de maison d’édition qui lui, est distribué et diffusé en librairie et sera beaucoup moins impacté par cet arrêté.

 

Les petites et moyennes maisons d’édition qui vendent en direct aux lecteurs à travers leurs plateformes en ligne, car leurs ouvrages sont peu distribués ou diffusés en librairies, rencontreront un problème similaire. Si jusqu’ici elles absorbaient la majorité du coût de livraison, pour ne pas impacter le lecteur, et l’inciter à acheter les ouvrages, comment feront-elles demain pour se battre contre les titres des plus grandes maisons d’édition, qui sont fortement distribués et diffusés et disposent d’une visibilité en librairie ? On sait très bien qu’un utilisateur achète beaucoup plus volontiers quand les frais de port sont offerts, ou inférieurs à un euro. Il s’agit d’un véritable argument de vente, décisionnaire dans la prise de décision d’achat d’un lecteur.

 

Est-ce que cet arrêté va vraiment dans le sens du prix du livre unique en France ? Si le livre coûte trois euros plus cher pour ceux qui vivent en milieu rural, en quoi est-ce garantir l’accès à la culture pour tous ? Et cette mesure aura-t-elle un réel impact sur la concurrence loyale ? L’envoi d’un livre de France à France ne coûte pas trois euros. Il est plutôt situé aux alentours de six euros. Il faudra toujours absorber trois euros de toute façon, la seule différence est que les six euros sont facturés à moitié au lecteur, et à moitié au détaillant. Trois euros sur la marge d’un détaillant est un montant important. Prenons un livre vendu 15€TTC. Il vaut 14,22€HT. La remise moyenne sur un livre pour un libraire est située aux alentours de 30%. Il a donc 4,27€ de marge sur ce produit, auquel il devra retirer 3€ de frais de port s’il veut se mettre à la même enseigne qu’Amazon sur les frais de port. Il facturera donc 3€ de frais de port à son lecteur, en aborbera 3€, ce qui lui laisse 1,27€ de marge. Cette marge n’inclut pas son temps ou le coût d’emballage du livre. Un carton pour emballer un livre coûte en moyenne 0,50€. Il lui reste 77 centimes. Concurrence loyale ? Non, toujours pas. Cette loi ne permet toujours pas aux libraires de pouvoir rivaliser avec Amazon. Elle dessert principalement les lecteurs, ainsi que les autoédités, et ne rétablit pourtant pas la concurrence loyale. 

 

Ne serait-il pas plutôt envisageable de proposer un tarif postal préférentiel pour les livres auprès de la Poste, comme il est déjà proposé à l’international ? Il est quand même intéressant de noter qu’on peut envoyer un livre pour moins de deux euros à l’étranger, que ce prix a été adopté en vue de promouvoir la culture française à l’étranger, mais que nous ne sommes pas en mesure de la promouvoir par le même biais à l’intérieur de notre territoire. Cela coûte moins cher de promouvoir la culture française l’international, que de France à France.

 

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire et j’espère que vous prendrez en compte ces remarques. 

Bien à vous,

Jupiter Phaeton

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