Ah, le syndrome de la page blanche ! C’est un sujet plutôt délicat à aborder, parce qu’on peut avoir ce syndrome pour un tas de raisons, et parfois ce n’est pas vraiment le syndrome de la page blanche. C’est peut-être ton syndrome de l’imposteur qui vient frapper à la porte. Mais aujourd’hui, on ne s’intéresse qu’au syndrome de la page blanche pour les auteurs. Cet article est également disponible en podcast audio.
Le syndrome de la page blanche, qu’est-ce que c’est ?
Définissons ensemble ce que c’est le syndrome de la page blanche. C’est quand tu veux écrire, tu es devant ton écran, ou ta feuille si tu écris à la main, mais il n’y a rien qui vient. C’est le vide intersidéral. Et tu peux rester des dizaines de minutes devant, il ne se passe rien. Il y en a qui décrivent ça comme un manque d’inspiration, et plus communément on appelle ça le syndrome de la page blanche.
Ça ne m’est jamais arrivé. Alors attention il y a des jours où j’ai du mal à écrire, parce que je suis fatiguée, ou pas concentrée. Mais le syndrome de la page blanche, non. Après j’ai un caractère particulier, je suis très disciplinée.
Je pense que le syndrome de la page blanche peut être lié à deux choses :
- soit un manque de préparation
- soit tu as le cerveau trop plein d’autres choses et tu n’arrives pas à dégager de la mémoire vive pour te mettre dans ton histoire
Ça concerne plutôt les jardiniers que les architectes
Donc dans l’écriture on oppose souvent deux types de personnalité d’auteur : les architectes et les jardiniers.
Les architectes construisent leur histoire, ils savent tout ce qu’il va se passer de A à Z. Il y a des architectes tellement préparés qu’ils peuvent écrire le chapitre 17 puis le chapitre 2 sans que ça ait d’incidence sur la cohérence de l’histoire.
Puis il y a les jardiniers. Ils ont la base quand ils démarrent l’écriture de leur livre, ils savent où ils vont, mais ils n’ont pas les détails. Ils continuent de créer leur histoire au fur et à mesure qu’ils écrivent.
Pour moi, le syndrome de la page blanche concerne plutôt les jardiniers. Et attention, je ne te dis pas que tu dois devenir architecte demain pour ne plus avoir le syndrome de la page blanche. Pas du tout. Je suis moi-même jardinière et je n’ai pas le syndrome de la page blanche.
Qu’est-ce que le manque de préparation ?
Quand je parle de manque de préparation, ce que je veux dire, c’est quand tu te mets devant ton écran et tu n’as pas réfléchi à ce que tu vas écrire. Ça peut arriver. Et du coup, au lieu de te mettre à écrire, tu vas devoir réfléchir et ça ne va pas couler tout seul, et tu vas hésiter.
Si tu reproduis ça régulièrement, tu vas créer une habitude. Et une mauvaise habitude. Notre cerveau aspire tout ce que nous faisons de manière répétée. Tu vas lui apprendre que quand tu te mets devant ton écran, tu es bloqué et tu ne peux pas écrire. Ou tout simplement tu vas abandonner parce que qui a envie de se mettre devant son écran et d’être bloqué ?
Donc il faut se préparer.
Préparer sa séance d’écriture pour lutter contre le syndrome de l’imposteur
Une séance d’écriture, ça se prépare. Alors il y en a qui n’ont pas besoin, il y a des exceptions partout. Mais pour ceux qui souffrent du syndrome de la page blanche, le premier conseil, le premier moyen de lutter contre, c’est de préparer ses séances.
Et je ne dis pas que tu dois savoir dans le moindre détail ce qu’il va se passer. Mais la scène que tu t’apprêtes à écrire, tu dois en connaître les grandes lignes. Pour ma part, au moment où je me couche, avant de m’endormir, je réfléchis à ce qu’il va se passer dans mon livre. Et comme j’écris le matin quand je me lève, j’ai eu le temps de laisser mon cerveau travailler sur le sujet. Quand j’arrive devant mon écran, je sais à peu près la scène et les événements qui vont avoir lieu.
Je n’ai plus qu’à l’écrire.
Tu peux y réfléchir à un autre moment de la journée, pendant que tu marches, que tu es sous la douche, que tu te brosses les dents, que tu fais du sport, mais il faut que tu prennes le temps d’y penser. Ensuite ton cerveau, une fois que tu l’as lancé sur la piste, il créera les associations nécessaires. Et au moment où tu te remettras à ta séance d’écriture, il aura la solution pour toi.
Briser la mauvaise habitude
Si tu es déjà rentré dans le cycle de : « je me pose devant mon écran et je suis bloquée », et que tu en as fait une habitude, je te conseille quand tu es bloqué, de te lever, d’aller marcher, sans musique, sans audiobook. Et d’en profiter pour réfléchir à la suite, de telle sorte que quand tu retourneras devant ton écran, tu sauras ce que tu vas écrire.
L’idée est de briser ta mauvaise habitude et de la remplacer par une autre : comme marcher et réfléchir à ton histoire.
D’ailleurs, pour revenir sur le sujet des habitudes, il y a un super « Un rien peut tout changer », de James Clear. Il t’explique exactement comment mettre en place des habitudes, ou comment en changer certaines. Et je pense que c’est un livre que tout le monde devrait lire, et qui serait d’une grande aide aux auteurs, pour mieux cadrer le travail d’écriture.
Donc si tu bloques parce que tu penses que c’est un manque de préparation, il n’y a pas de secrets : il faut tout simplement mieux se préparer. Et je te donne à la fin de cet article des actions et des astuces que tu peux mettre en place pour te débloquer. Parfois c’est tout bête, mais il suffit d’enclencher la machine.
Mais avant d’y venir, revenons sur la deuxième possibilité : tu as le cerveau trop plein.
Syndrome de la page blanche : ta charge mentale déborde
Je visualise souvent le cerveau comme un ordinateur. Pour moi on a une mémoire vive : c’est notre charge mentale, c’est-à-dire la quantité d’informations qui pèse sur nos épaules au quotidien. Ça peut être des responsabilités, ta to do list, des choses que tu ressasses.
Si tu es devant ton écran d’ordinateur, mais que ton cerveau tourne sans cesse sur les autres taches que tu dois accomplir, ou sur des problèmes non résolus, ça peut encombrer ta mémoire vive au point que tu n’es pas capable d’effectuer une tâche supplémentaire.
Tu vois bien que quand tu confies des tâches à ton PC en parallèle, c’est-à-dire plusieurs tâches à la fois, il ralentit sur chaque tâche que tu lui as confiée, n’est-ce pas ? Et quand le disque dur est saturé, donc la mémoire en dur cette fois, ton pc est aussi très ralenti. Plus tu lui donnes du poids à porter, plus tu lui donnes des taches à exécuter en parallèle, moins il va vite.
C’est pareil pour l’être humain.
Déjà le multitâche est un mythe. On fait beaucoup plus d’erreurs en essayant d’accomplir plusieurs tâches à la fois, et on est moins efficace. Crois-moi, je croyais être la reine du multitâche, mais j’ai complètement déchanté à ce sujet. Maintenant je me focalise toujours sur une tâche à la fois. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas capable d’en accomplir plusieurs en parallèle. Mais si je le fais, je perds du temps et je commets des erreurs, que je ne commettrais pas si j’effectuais ces taches en séquentiel.
Une méthode pour vider sa charge mentale
Pour moi le cerveau, quand il a trop de charge mentale, il n’est plus capable de réfléchir, comme un PC qui freeze, une application qui se ferme de manière inattendue. J’ai eu des périodes dans ma vie où ma charge mentale était trop importante, puis j’ai lu un super livre, qui s’appelle S’organiser pour réussir, de David Allen dans lequel il parle d’une méthode pour vider son cerveau.
Il recommande de noter sur un support auquel tu te réfères souvent, toutes les idées qui te viennent et toutes les tâches que tu dois exécuter. Pourquoi ? Parce qu’une grosse partie de notre charge mentale consiste à se rappeler toutes ces choses qui sont dans notre tête. Donc au lieu d’encombrer ta mémoire avec ça, le mieux est de le coucher sur un support fiable. Et c’est vraiment important que ce soit un support fiable, que tu consultes régulièrement.
Parce que sinon tu ne feras pas confiance à ton propre système, parce que tu sais que tu ne le consulteras pas.
J’ai testé plusieurs choses et j’ai évolué sur ce sujet à de nombreuses reprises.
En ce moment j’utilise quelque chose de très simple : OneNote, le logiciel de notes de la suite Office pour tout ce qui est prise de notes, trames de livres, sujets longs on va dire, sur lesquels je veux pouvoir revenir plus tard. Et j’utilise To Do, le module de tâches de ma messagerie Outlook.
L’important pour moi est que ce soit disponible sur mon smartphone et sur mon ordinateur, que je puisse y avoir accès en permanence. Pas pour consulter, mais pour pouvoir y ajouter des entrées dès que j’ai quelque chose qui pope dans ma tête. Et s’il y a des rendez-vous, bien sûr utilise une application de calendrier.
Libérer de l’espace constamment pour être mieux concentré
Cette méthode est efficace si à chaque fois que tu penses à quelque chose que tu ne peux pas traiter dans l’instant, tu le notes et tu t’y réfères plus tard. Et en le faisant au début, tu auras un peu peur de ne pas consulter ton support. Mais au fur et à mesure tu auras confiance dans ton système, et tu soulageras vraiment ton cerveau de cette charge, parce que tu sais que tu as mis en place quelque chose pour ne pas oublier.
Du coup, tu libères de l’espace dans ta tête pour te concentrer sur l’instant présent. C’est ancré à un tel point dans ma tête cette méthode que même quand je suis en tête à tête avec quelqu’un, si j’ai une idée qui pope dans ma tête, ou une tâche à laquelle je pense subitement, j’interromps la personne. Je prends mon téléphone, je rajoute l’entrée dans ma liste et je reprends la discussion ensuite.
Ça peut paraître malpoli, mais j’explique à la personne que tant que je pense à cette chose que je dois noter, je ne suis pas totalement concentrée sur elle et ce qu’elle me raconte, et qu’il vaut mieux que je me libère de cette pensée, pour vraiment lui accorder 100% de mon attention. Si je n’ai pas mon téléphone à proximité, je demande à mon interlocuteur de m’envoyer un email ou un message. Je sais que je consulte mes emails et mes messages et que je pourrais ajouter la mission à ma to do list ensuite.
Et effectivement, pour moi en tout cas, ça fonctionne.
Maintenant il y a une partie de la charge mentale qu’on ne peut pas juste écrire pour s’en libérer. Il y a des problèmes beaucoup plus profonds. Ce que j’espère, c’est qu’en écrivant une partie de ta charge, tu libères suffisamment d’espace pour pouvoir écrire.
Si ce n’est pas le cas, l’unique solution qui peut résoudre ce problème, c’est d’aller régler tout ce qui trotte dans ta tête et d’accepter que tu as trop de choses pesantes pour l’instant pour pouvoir allouer du temps à l’écriture. Emploie ton énergie à résoudre les autres problèmes, et reviens à l’écriture quand ce sera fait. Ça ne sert à rien de se torturer à essayer, sans obtenir de résultats du tout.
7 moyens de lutter contre le syndrome de la page blanche
Maintenant, parfois, on a juste besoin d’un petit coup de pouce pour vaincre le syndrome de la page blanche. On est stressé devant son écran ou sa feuille, et on hésite. Les premiers mots sont souvent les plus difficiles. Alors en vrac, voici quelques conseils qui peuvent t’aider à te lancer et vaincre le syndrome de la page blanche :
Suite à ce qu’on a vu :
- vide ta charge mentale sur un outil de confiance comme on l’a vu
- résous tes problèmes
- va marcher, prends du temps pour réfléchir à ta trame, on en a parlé plus haut. Si ça ne fonctionne pas, pratique une nouvelle activité pour créer de nouvelles associations d’idées
- tu peux aussi appeler un ami, ou lui écrira via les réseaux et lui raconter ton histoire.
Comme je le disais, on est souvent bloqués parce qu’on ne sait pas ce qu’il va se passer dans la scène qu’on s’apprête à écrire. Ton ami ne va pas forcément te donner la solution, mais le simple fait de parler de ta trame à voix haute, ou à l’écrit, te force à formuler ce qu’il se passe à un tiers, de manière à le rendre compréhensible.
Et rien que ça, ça éclaircit ce qu’il se passe dans ton histoire pour toi, et souvent ça débloque. Ça m’est arrivé plein de fois de parler de ma trame à une amie par Whatsapp et de trouver la réponse alors qu’elle n’avait même pas encore lu mes messages. Juste d’avoir écrit et formulé la problématique, m’a permis de mieux la comprendre moi-même et de trouver la solution.
Libérer de l’espace constamment pour être mieux concentré
Peut-être que ton humeur et tes émotions ne sont pas en phase avec la scène que tu dois écrire. Si possible, change de scène. Tu reviendras sur celle-là plus tard. Écris un simple résumé de ce qui était prévu dans la scène actuelle, puis passe à la suivante, ou à celle qui correspond mieux à ton humeur.
- écris n’importe quoi, raconte ce que tu vois sous tes yeux, même si ça n’a aucun rapport avec ton histoire. Raconte ce que tu ressens, ça te permettra de lancer la machine de l’écriture. Tu effaceras après. Le but c’est que tu sois en train d’écrire, pour relancer l’habitude d’écrire.
- fixe-toi l’objectif le plus petit possible, par exemple 100 mots. Dis-toi que tu vas écrire 100 mots et que si tu les écris, tu seras satisfait. Il n’y a pas besoin de plus pour remettre en place l’habitude d’écrire régulièrement et vaincre le syndrome de la page blanche. 100 mots, c’est faisable, non ? Si ça ne l’est pas, prends un objectif même encore plus petit, ce n’est pas grave. Tu passes de zéro, à quelque chose. C’est tout ce qu’on veut.
Il sera toujours temps d’augmenter ton objectif plus tard.
Je parle d’objectif ici pour que tu te sentes satisfait. Il n’y a pas d’obligation de se fixer des objectifs ou des quotas de mots dans la journée pour aller au bout de son roman. Il y en a qui sont paralysés par ça, si c’est ton cas, ne t’en fixe pas. Il y en a (comme moi), qui adorent ça, ça les motive et ça les guide. On est tous différents, adapte-toi toujours à ton cas. Ce que je veux dire avec l’objectif, c’est que parfois on a le syndrome de la page blanche parce qu’on se dit « je dois écrire 5000 mots aujourd’hui ».
Ce n’est pas vraiment le syndrome de la page blanche, c’est plutôt le syndrome de la montagne.
C’est-à-dire que ça nous paraît énorme tout à coup et inatteignable, parce que l’objectif est trop important par rapport à nos compétences, notre niveau d’énergie, etc. Et du coup comme ça nous parait inaccessible, on est paralysés et on ne veut même pas essayer de gravir la première marche de notre objectif, parce qu’on sait qu’on n’arrivera pas au bout.
C’est pour ça que si tu n’arrives plus du tout à écrire, tu ne dois surtout pas te refixer tes anciens quotas, si tu avais des quotas, ou te dire « je dois en accomplir beaucoup pour compenser les jours où je n’ai pas écrit ». Non, il vaut mieux que tu écrives 100 mots tous les jours, pendant une semaine par exemple, plutôt que tu n’écrives rien du tout. Et si 100 mots c’est trop peu, tu ajustes en fonction de ce qui te paraît peu, réalisable et qui ne te fait pas peur.
Le syndrome de la page blanche ou de l'imposteur ?
J’espère que tu comprends mieux le mécanisme du syndrome de la page blanche.
Il y a bien sûr des tas d’autres choses qui peuvent se mêler d’une difficulté à écrire. Pour certains, par exemple, ce n’est pas vraiment le syndrome de la page blanche, c’est le syndrome de l’imposteur. Typiquement, ils n’arrivent pas à écrire parce qu’ils ont peur de ne pas produire du contenu de qualité. Ils ont peur de publier parce qu’ils ont peur du jugement des autres également. Ils se sentent comme des imposteurs.