Statistiques des auteurs indépendants 2024, basées sur les revenus 2023
Cette enquête a pour but de qualifier le marché de l’autoédition francophone, de mieux comprendre les habitudes des autoédités, ainsi que leurs revenus, leurs dépenses et leurs modes de fonctionnement. Elle a été préparée par AD Martel.
Pourquoi cette enquête ?
Cette enquête a pour but de qualifier le marché de l’autoédition francophone, de mieux comprendre les habitudes des autoédités, ainsi que leurs revenus, leurs dépenses et leurs modes de fonctionnement. Cette étude a un but à long terme également : en administrant ce questionnaire année après année, nous pourrons analyser l’évolution du marché. Même si nous confronterons certains chiffres avec ceux de l’édition traditionnelle, cette étude n’a pas pour but de lancer une polémique entre l’autoédition et l’édition traditionnelle. Nous sommes persuadées qu’elles peuvent toutes deux cohabiter et être complémentaires.
Cadre de l’enquête
Cette enquête est basée sur du déclaratif. Cette enquête vise les auteurs qui ont déjà publié un livre en français en autoédition avant 2024. L’année 2024 a été exclue des résultats. Elle a été diffusée auprès d’auteurs à travers les mailings lists d’auteurs déjà autoédités et via leurs réseaux sociaux. Elle a donc un biais important : la typologie des auteurs qui nous suivent.
Un exemple de ce biais : dans le cadre de la mailing list de Jupiter Phaeton, nous retrouvons une forte tendance à avoir des auteurs qui publient dans le genre de la fantasy ou de l’urban fantasy, du fait qu’elle-même publie dans ce genre, et qu’elle a attiré à elle des auteurs de ce genre littéraire.
Par ailleurs, Jupiter Phaeton n’a pas répondu au questionnaire, car les chiffres auraient beaucoup gonflé, et le biais était déjà important.
Cette enquête a été diffusée du 1er mai au 10 septembre 2024, via un formulaire Google. Les répondants sont anonymes. Nous avons obtenu 199 répondants (195 après élimination des formulaires incomplets), ce qui est beaucoup moins que les 281 répondants de l’année passée. Encore une fois, nous n’avons pas d’échantillon stable. Nous avons pourtant cette fois amélioré la communication sur le fait qu’un auteur ayant même publié qu’un seul livre en autoédition est éligible pour répondre à ce questionnaire (le syndrome de l’imposteur serait-il encore trop fort ?) et pour simplifier le questionnaire.
Qu’est-ce que l’autoédition ?
L’autoédition est un système par lequel un auteur maîtrise de A à Z la chaîne du livre. Non seulement il écrit, mais il se charge aussi de la correction, de la mise en page, du choix de la couverture (bien souvent en payant lui-même des professionnels ; éditeurs, correcteurs et illustrateurs sont ses meilleurs alliés), mais également en assurant la publication et la promotion de ses propres ouvrages. Il est également responsable de ses choix de canaux de distribution et de diffusion éventuels. Nous n’allons pas entrer dans le détail, mais en résumé, l’auteur assume le risque économique. Bien souvent, il ne possède pas la force de frappe des maisons d’édition et est absent des librairies (il y a des exceptions, notamment grâce à des programmes proposés par des plateformes, avec bien souvent des frais en plus).
L’édition traditionnelle, aussi dite « à compte d’éditeur » est la mieux connue : l’auteur signe un contrat d’édition avec une maison d’édition. Contre un certain pourcentage (dans sa dernière enquête, la SCAM mentionne un taux de rémunération de 5 à 20 % du prix public hors taxe de l’ouvrage, avec un taux moyen de 8,2 %1), l’auteur cède ses droits. L’éditeur va dès lors se charger de la publication du manuscrit et de sa distribution (éventuellement sa diffusion), sans demander un seul centime à l’auteur. C’est donc la maison d’édition qui prend tous les risques financiers.
L’édition « à compte d’auteur » propose également un contrat à l’auteur, mais la structure lui réclame de l’argent en contrepartie (payer la couverture, acheter un minimum d’exemplaires…). La communauté des auteurs (qu’ils soient autoédités ou non) tend à fuir ce genre de procédés, qui dissimule nombre d’arnaques. Il est important de noter que toutes les maisons d’édition à compte d’auteur ne sont pas des arnaques, et que certaines pratiquent leur métier de manière fiable et éthique. C’est le principe de céder ses droits ET d’assumer en même temps les risques financiers, qui ne plaît pas aux auteurs, en plus des charlatans qui tentent de vendre ce procédé sur internet sans même assurer des services derrière et en s’appuyant sur le besoin de reconnaissance de ces auteurs.
Voici les trois grandes tendances de l’édition. D’autres existent, bien entendu, mais ces éclaircissements permettent de mieux comprendre où se situe l’autoédition, parfois confondue à tort avec l’édition à compte d’auteur.
Entrons maintenant dans l’analyse des données de cette étude.
Le profil
Quel type d’auteur a répondu à l’enquête ?
Parmi les 199 répondants, 76,9% déclarent se publier uniquement en autoédition, tandis que 23,1% sont des auteurs dits hybrides, qui sont publiés à la fois en autoédition et en maison d’édition.
Le genre littéraire principal
40,51% des répondants déclarent publier principalement dans le genre de la fantasy, science-fiction ou fantastique. 22,05% déclarent publier dans le genre de la romance et des comédies romantiques. 9,74% déclarent publier dans le genre du thriller et des enquêtes. 8,21% déclarent publier principalement en littérature blanche. 19,49% publient dans les autres genres littéraires. On peut trouver le détail par genre littéraire ci-dessous.
Comme l’année dernière, pour laquelle nous avons obtenu les mêmes répartitions, nous pensons ici qu’il y a un énorme biais sur le genre de la fantasy, liée à la nature des auteurs qui ont partagé le questionnaire. Généralement, la romance est plus représentée parmi les auteurs autoédités.
Répartition des répondants selon le genre littéraire principal
Genres littéraires | |
Biographie | 1.54% |
Développement personnel | 1.54% |
Drame psychologique | 0.51% |
Érotique | 0.51% |
Fantasy-SF-Fantastique | 40.51% |
Feel-good | 3.59% |
Fiction historique | 3.08% |
Horreur | 0.51% |
Jeunesse (-de 12/13 ans) | 1.03% |
LGBTQ+ | 2.56% |
Littérature blanche | 8.21% |
Non fiction autres | 3.59% |
Nouvelles | 0.51% |
Poésie | 0.51% |
Romance et comédies romantiques | 22.05% |
Thriller / Policier / Enquêtes | 9.74% |
Total général | 100.00% |
Parmi ces auteurs, 44,10% déclarent publier uniquement dans leur genre principal.
Publient-ils dans un autre genre littéraire que leur genre littéraire principal ?
Nous pouvons observer dans le tableau suivant que 44,10% de l’échantillon ne publie que dans un seul genre littéraire. Parmi ceux qui publient dans d’autres genres littéraires, on voit là aussi l’émergence de la SFFF, ainsi que de la romance, un genre très plébiscité.
Quand ont-ils commencé à se publier en autoédition ?
18,97% (contre 27,79% l’année dernière) seulement des répondants déclarent avoir commencé à s’autoéditer avant 2019. Depuis 2019, 81,03% des répondants ont commencé à s’autoéditer. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées à ce sujet :
– L’année 2019 semble être une année pivot, cela pourrait être lié à un biais des données, du fait que Jupiter Phaeton a commencé à se publier en 2018, et que nombre des abonnés à sa newsletter se sont donc lancés après son succès.
– On pourrait aussi y voir une croissance de l’autoédition, et un vent de mode, grâce à l’essor des réseaux sociaux. Du fait qu’il est de plus en plus difficile d’accéder à une publication en maison d’édition, et que l’autoédition a gagné en visibilité, de plus en plus de personnes franchissent le pas de s’autoéditer. L’autoédition a commencé à se professionnaliser, et même si les mœurs changent lentement, ce n’est plus aussi mal-vu de s’autopublier. Sans compter que les success stories sur les réseaux encouragent les auteurs à tenter leur chance.
– Si la croissance de l’autoédition est indéniable, un autre point qu’il faut rappeler est que l’épidémie de Covid-19 est survenue en 2020. Beaucoup de personnes se sont alors mises à écrire un livre, et ont concrétisé la publication en 2021, ce qui pourrait expliquer la croissance de 2021, suivie par une chute en 2022, avec un retour à la routine. Après le Covid-19, les maisons d’édition ont elles aussi eu une explosion en termes de réception de manuscrits, ce qui semble être un bon parallèle avec nos observations. En moyenne, les maisons d’édition ont enregistré une hausse de 40% de réception des manuscrits pendant l’après-Covid (https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/a-paris-comme-en-region-les-editeurs-croulent-sous-les-manuscrits-d-ecrivains-en-herbe_4276419.html).
En 2023 18,46% de l’échantillon se déclare nouveaux auteurs, contre 14,36% en 2022, ce qui montre que les nouveaux auteurs continuent de franchir le pas, point pour lequel nous sommes ravis !
Répartition des auteurs par rapport à leur première année de publication
Combien ont-ils publié de livres au cours de leur carrière ?
Parmi les répondants, 14,8% ont publié un seul livre, mais 76% de ces 14.87% ont commencé à se publier en 2023. Parmi les répondants, 45.23% ont publié entre 2 et 5 livres, 18.97% ont publié entre 6 et 10 livres et 21.03% ont publié 11 livres et plus.
Répartition du nombre de livres publiés en autoédition
Publient-ils des audiobooks ?
L’audiobook est un marché en forte croissance, à raison de 26,4% par an et selon les estimations, d’ici 2030, l’audiobook pourrait représenter 21,39% des revenus du marché du livre dans le monde. Il nous paraissait donc intéressant de savoir si les autoédités disposaient d’un format audio de leurs livres. On peut observer que 11,1% d’entre eux ont publié des audiobooks, soit par eux-mêmes, soit en cédant leurs droits, soit exactement le même pourcentage que l’année dernière. Avec l’arrivée, fin 2024, de l’offre de Spotify pour les audiobooks, nous pensons qu’à l’avenir, ce pourcentage va augmenter. L’offre d’audiobooks va se diversifier et les autoédités pourront aussi prendre plus facilement le contrôle sur ce format.
Répartition de la publication, ou non, de la publication en audiobook
Ont-ils une activité professionnelle à côté ?
Par rapport à l’année dernière, un plus grand pourcentage de répondants déclarent n’avoir que l’écriture comme activité professionnelle (47,2% contre 35,6% l’année dernière). Notons aussi que l’année dernière le questionnaire avait été diffusé par certains de nos partenaires et nous avions donc réussi à réduire le biais engendré par nos mailing lists d’auteurs professionnels.
Répartition de la présence, ou non, d’une activité professionnelle à côté
Vivent-ils de leurs revenus d’autoédition ?
Il est à noter que cette question est ouverte à l’interprétation, dans le sens où nous n’avons pas donné de spécifications ou d’exemples. Elle peut être interprétée dans le sens où les auteurs interrogés gagnent suffisamment pour vivre et continuer d’exercer ce métier, elle peut aussi être interprétée dans le sens où il s’agit de leurs uniques revenus et même si ce n’est pas assez pour être à l’aise financièrement, c’est ce qui les fait vivre aujourd’hui. Elle ne prend pas non plus en compte le foyer global : la présence d’un potentiel conjoint qui pourrait assurer une plus grosse partie des revenus, tandis que l’auteur vient combler le manque à gagner, sans que ce soit nécessairement une grosse somme. Cela étant dit, nous savons qu’il y a aussi des foyers où l’inverse se produit : l’auteur ramène plus que son conjoint, et nous ne donnons pas cet exemple pour dire que les auteurs ne gagnent pas leur vie. Nous indiquons simplement le biais possible dans les réponses à cette question.
À cette question, seulement 19,1% (contre 17,4% l’année dernière) des auteurs ont déclaré vivre de leurs revenus d’autoédition. Quand on croise les données avec les 47,2% qui déclarent n’avoir que cette activité, 38,71% de ces 47,2% ne vivent pas de leurs revenus en autoédition, soit plus d’un tiers. On note une augmentation de 14% par rapport à l’année dernière, qui paraît assez logique si on évoque à nouveau ce biais de nos mailing lists.
Répartition des répondants en fonction de s’ils vivent, ou non, de leurs revenus en autoédition
Combien de temps passent-ils sur leur activité d’autoédition ?
Comme l’année dernière, les réponses sont assez bien réparties. Nous avions changé la question pour refléter une activité par semaine plutôt que par jour, suite aux retours qui nous avaient été faits sur le questionnaire. 19,1% de l’échantillon passe une dizaine d’heures par semaine sur cette activité, 21,1% y passe 5 jours par semaine et 23,1% y passe plus de 5 jours par semaine.
Sans surprise, ceux qui déclarent n’y passer que quelques heures par semaine, ou une à deux heures par jour, ne vivent pas de leur plume, à raison de 99% de l’échantillon.
Les canaux de distribution
Vendent-ils en exclusivité sur une seule plateforme, ou sur plusieurs plateformes ?
74,4% des auteurs déclarent vendre leurs ebooks en exclusivité via KDP. 18,1% déclarent vendre sur plusieurs plateformes (via Immatériel ou en direct). Une écrasante majorité n’utilise donc qu’une seule plateforme : KDP. Trois déclarants indiquent ne pas vendre d’ebooks, uniquement des formats papiers. Les tendances sont identiques à l’année dernière.
Répartition des ventes d’ebooks : exclusivité, ou non
Vendent-ils principalement leurs formats papiers en ligne ?
Le tableau suivant parle pour lui-même : 92% des répondants indiquent vendre en ligne (2,5% ne vendent pas de papier), seulement 24,1% indiquent être disponibles à la commande en librairie, et seulement 5% disposent de moyens de diffusion. Près de la moitié des répondants indiquent vendre en salon également.
Les autoédités sont très représentés en ligne, en raison du fait que c’est un marché accessible pour eux. Comme nous allons le voyons, ils sont peu disponibles en librairie, et sont très rarement diffusés, c’est-à-dire visibles sur les rayons des librairies, car commandés par les libraires pour être mis en rayon. Ici, il faut bien noter qu’il y a plusieurs marchés au sein de l’immense marché du livre : notamment le marché numérique, le marché papier en ligne, le marché papier en librairie et le marché audio. La révolution numérique a entraîné une révolution de l’autoédition : d’un seul coup, s’autopublier est devenu facile et accessible, grâce à des plateformes comme Kindle Direct Publishing, Kobo, Books on Demand et bien d’autres. KDP et maintenant Kobo, ont mis en place un abonnement pour leurs lecteurs, et donc une rémunération liée à cet abonnement pour les auteurs. Ces abonnements sont devenus de plus en plus populaires au fil des années, et on y retrouve principalement des titres d’autoédités. En effet, peu de maisons d’édition ont franchi le pas de positionner leurs livres dans ces abonnements. On sent tout de même qu’une transition est en train de se faire, car l’année dernière seulement 20 à 25% des titres du top 100 étaient issus de maisons d’édition. Cette année, on observe plutôt 25 à 30%, ainsi qu’une montée des titres de maisons d’édition dans l’offre Prime. Les tarifs pratiqués par les maisons d’édition sur les ventes sèches de leurs produits numériques sont aussi en moyenne plus élevés que les tarifs pratiqués par les autoédités. Il faut savoir que ces deux acteurs du marché, les maisons d’édition, et les autoédités, n’ont pas le même nombre d’intermédiaires dans la chaîne de publication. L’autoédition est une ligne bien plus directe : par exemple il y a l’auteur, puis KDP Amazon, puis le lecteur. Tandis que dans une maison d’édition, il y a l’auteur, la maison d’édition, un distributeur même pour le format numérique, et la plateforme de vente finale, ce qui explique, du fait du nombre d’acteurs dans cette chaîne, qu’il faille avoir un prix plus élevé pour pouvoir rémunérer tout le monde.
Ainsi, le prix plus abordable, la présence dans l’abonnement Kindle, ou Kobo, permet aux autoédités d’être bien plus visibles et de vendre plus sur le marché numérique que les maisons d’édition. Cet effet a un rebond sur leurs ventes papiers également. On peut aussi observer cette tendance en comparant le nombre d’évaluations sur un livre autoédité et sur un livre de maison d’édition. Beaucoup de livres autoédités dépassent 1000 évaluations sur Amazon, parfois même 2000, voire 3000. Pour des livres qui ont eu énormément de succès dans les librairies du côté des maisons d’édition, on observe généralement 4 fois moins de commentaires que pour un livre à succès autoédité sorti à peu près aux mêmes dates. Nous avons donc ici la présence de sous-marchés très différents, où les acteurs principaux ne sont pas les mêmes.
Nous avons eu du mal à trouver des chiffres récents du côté de l’édition traditionnelle, pour comparer avec cette tendance écrasante en autoédition sur la vente en ligne, qu’il s’agisse du format papier ou non. Les chiffres que nous avons trouvé pour le marché français datent de 2016 et ne nous semblent pas pertinents à étudier au vu de l’évolution importante du marché numérique au cours des dernières années. L’étude la plus récente que nous avons trouvé concerne la Belgique. C’est une étude de la Fédération Wallonie-Bruxelles, centrée sur l’édition traditionnelle, où seulement 22% des auteurs interrogés indiquent être d’accord avec la phrase « mes publications se vendent bien en ligne ». (https://www.scam.be/fr/actualites/etude-sur-la-situation-socio-economique-des-auteurs-et-autrices-de-livres-en-federation-wallonie-bruxelles)
Graphique des canaux de ventes utilisés
Quel est le canal où ils vendent le plus ?
62,8% des répondants vendent principalement leur format papier en ligne via Amazon, mais 18,46% déclarent vendre plus en salon.
Chiffre d’affaires, revenus, dépenses et bénéfices
Explications de ce qu’on entend par chiffre d’affaires
Le chiffre d’affaires ici mentionné constitue le total des ventes perçues par l’auteur (donc sans la TVA et sans les retenues des intermédiaires éventuels comme les libraires ou les plateformes de vente en ligne).
Exemple 1 : Je touche 1000 euros de redevances Amazon. Amazon s’occupe déjà de verser la TVA à l’État, et me paye une fois qu’il a prélevé sa part. Mon chiffre d’affaires est de 1000 euros.
Exemple 2 : Mon livre coûte 10,6 euros TVA comprise (le prix HT est de 10 euros). Le libraire vend deux livres et garde 30% (3 euros) sur le prix du livre (comme il en vend 2, il garde 6 euros). Mon chiffre d’affaires est donc de 14 euros ( [2 x 10,6] – [1,2 + 6] ).
Exemple 3 : Les exemples 1 et 2 s’appliquent à mon activité. J’additionne les montants. Mon chiffre d’affaires est de 1014 euros.
Certains auteurs touchent d’autres revenus annexes, liés à leur activité d’écrivain, mais qui ne concernent pas la vente de livres, comme des ateliers d’écriture ou des formations. Ce n’est pas l’objet de l’étude ici, et nous n’avons donc pas identifié ces revenus.
Quel a été leur chiffre d’affaires en 2023 ?
En 2023, la moyenne du chiffre d’affaires annuel des répondants est de 13126€, soit 4000€ de plus que l’année dernière, ce qui représente une hausse de 45%. Si en numéraire, le montant peut paraître dérisoire, c’est une sacrée augmentation en termes de pourcentage. Néanmoins, à prendre avec des pincettes, en raison des biais potentiels occasionnés par les moyens de diffusion du questionnaire. Nous avons inclus les répondants qui indiquent avoir fait 0€ de chiffre d’affaires pour cette année. Nous avons éliminé les réponses non cohérentes (chiffre d’affaires négatif) et les réponses de ceux qui nous ont indiqué ignorer la donnée. Cette moyenne est établie sur 195 répondants. En voici la répartition :
Répartition du chiffre d’affaires au sein des auteurs
CA des auteurs | Nb d’auteurs | % |
Aucun | 8 | 4.10% |
Entre 1 et 500 | 44 | 22.56% |
Entre 501 et 1000 | 16 | 8.21% |
Entre 1001 et 1500 | 13 | 6.67% |
Entre 1501 et 2000 | 6 | 3.08% |
Entre 2001 et 5000 | 35 | 17.95% |
Entre 5001 et 10000 | 24 | 12.31% |
Entre 10001 et 20000 | 17 | 8.72% |
Entre 20001 et 30000 | 10 | 5.13% |
Entre 30001 et 40000 | 5 | 2.56% |
Entre 40001 et 50000 | 2 | 1.03% |
Entre 50001 et 60000 | 5 | 2.56% |
Entre 74 000 et 90000 | 6 | 3.08% |
Entre 100 0000 et 115 000 | 3 | 1.54% |
400 000 | 1 | 0.51% |
TOTAL | 195 | 100% |
Croisement des données : chiffre d’affaires et nombre de livres publiés
31 répondants n’ont pas publié de livres en 2023, soit 15,9% de l’échantillon (sur la base des 195 répondants pour cette partie). Une personne a publié un livre en 2023 et n’a généré aucun chiffre d’affaires. Mais pour les 5 autres personnes qui déclarent n’avoir généré aucun chiffre d’affaires en 2023, il est à noter qu’elles n’ont publié aucun livre en 2023. Même si nous aimerions que nos livres aient une vie éternelle, il est tout de même rassurant de noter cette corrélation entre la non-publication et l’absence de chiffre d’affaires. Si nous avions eu beaucoup de réponses avec aucun chiffre d’affaires et des livres publiés, il aurait fallu tirer la sonnette d’alarme.
Sans surprise, ceux qui publient le moins en 2023, génèrent le moins de revenus.
Parmi les 99 personnes qui n’ont publié qu’un livre en 2023, 21 (au lieu de 44) ont un chiffre d’affaires entre 1 et 500 euros, et 17 (au lieu de 25) entre 500 et 2000 euros, soit plus de la moitié des répondants.
Répartition du chiffre d’affaires 2023 en fonction du nombre de livres publiés en 2023, en % de l’échantillon
Nous avons procédé à un croisement de données similaires, mais cette fois par rapport au nombre de livres publiés tout au long de la carrière de l’auteur, puisque les livres peuvent continuer de rapporter bien après leur publication. Les résultats sont similaires.
Répartition du chiffre d’affaires 2023 en fonction du nombre de livres publiés au cours de la carrière de l’auteur, en % de l’échantillon
Sans beaucoup de surprise, on observe que la barre grise, qui représente le nombre de livres publiés, est plus haute à droite, là où le chiffre d’affaires est plus important. Il y a donc bien une corrélation entre le nombre de livres publiés et le chiffre d’affaires, bien qu’il y ait des exceptions.
Croisement du chiffre d’affaires avec le genre littéraire
Nous voulions observer la corrélation du genre littéraire avec le chiffre d’affaires 2023, mais le biais sur la fantasy est persistant, du fait des canaux de distribution de ce questionnaire. Il ne nous a donc pas paru pertinent de présenter les résultats de ce croisement de données, car les plus gros revenus sont issus de la SFFF, du fait de la surreprésentation de ces auteurs au sein de l’échantillon. Il est toutefois à noter que les auteurs de romances et de thriller sont tout aussi concurrentiels. Mais encore une fois, cette donnée ne nous paraît pas représentative du marché.
Bénéfices 2023
Il est à noter que la réponse à cette question est du déclaratif, que même si nous avons tenté d’apporter le plus de précisions possibles sur la manière de calculer le bénéfice, c’est-à-dire en soustrayant toutes les dépenses au chiffre d’affaires (comme les corrections, frais de couverture…), mais avant d’avoir payé les cotisations sociales ou l’impôt sur le revenu, nous ne sommes pas certaines que tous les auteurs aient suivi ce modèle pour indiquer leur bénéfice.
La moyenne des bénéfices annuels déclarés par les répondants est de 7342€ (contre 5371€ l’année dernière, soit une augmentation de 37%) soit 611,88€ par mois (contre 447,58€ l’année dernière). Il faudrait trois fois (contre quatre fois l’année dernière) ce montant pour rattraper le SMIC brut français, établi à 1 766,92€ au moment de cette étude (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2300). Il est à noter que le SMIC belge est de 1 994€ brut, soit plus élevé que le SMIC brut français.
Presque un quart (21,54%) des répondants indiquent avoir fini l’année en négatif, c’est-à-dire qu’ils ont dépensé plus qu’ils n’ont gagné. 8,21% indiquent n’avoir généré aucun bénéfice. Nous avons donc presque un tiers de l’échantillon (29,75%) qui n’a généré aucun bénéfice, ou a été à perte.
64,63% des répondants indiquent avoir gagné moins de 2000 euros sur l’année. 26,49% des répondants ont généré entre 1501 et 20 000 euros de bénéfices au cours de l’année. 10,77% des répondants indiquent avoir généré des bénéfices supérieurs à 20 000 euros, soit presque égal ou supérieur au SMIC dans la majorité des pays. Il est à noter que ça ne signifie pas qu’ils vivent pour autant de leur plume, ou qu’ils sont à temps plein sur cette activité, du fait que tout le monde n’a pas besoin des mêmes sommes pour vivre ou assumer son foyer. Il nous paraît néanmoins intéressant de comparer ces revenus avec ceux des salaires minimums. Neuf des répondants ont généré plus de 50 000 euros de bénéfices sur l’année 2023. Quatre personnes sont même au-delà des 100 000 euros de bénéfices. C’est plus que l’année dernière, malgré un plus faible nombre de répondants.
Répartition des bénéfices en %
Nous avons choisi de comparer ces chiffres avec ceux de l’étude de la Fédération des auteurs en Wallonie-Bruxelles, qui est l’une des plus récentes que nous avons pu trouver. Elle se base sur les revenus 2019 des auteurs en maison d’édition. 66% des auteurs indiquent avoir gagné moins de 500€ par mois (après impôts, ce qui présente une différence avec ce que nous avions demandé aux auteurs indépendants de notre côté), soit moins de 6000€ à l’année.
Il n’y a que 7% de l’échantillon qui perçoivent plus de 2000€ par mois. Dans le cas de notre étude, 8,88% des répondants déclarent avoir réalisé plus de 20 000€ de bénéfices sur l’année, avant taxations. Bien sûr ramené au mois, pour ceux qui sont dans la tranche basse de ces « plus de 20 000€ » cela signifie moins de 2000€ net par mois. Mais il semble que les chiffres soient plutôt parallèles entre les maisons d’édition et les auteurs indépendants si nous comparons ces deux études bien sûr, qui comportement toutes deux des biais ne serait-ce qu’en raison de la taille de leur échantillon. L’étude de la fédération de Wallonie-Bruxelles disposait de 386 répondants.
Il est à noter que souvent, les revenus des auteurs en maison d’édition sont issus de leur à-valoir. Selon l’AGESSA, presque 50% des revenus perçus par les auteurs sont issus de l’à-valoir, quand il y a à-valoir, car selon une étude de la SGDL, 21% des auteurs ne perçoivent pas d’à-valoir. Selon la SCAM, il s’agirait même de 30% des auteurs.
Etude Agessa : Etude AGESSA 2015 et Etude Agessa 2016
Etude SGDL : Etude SGDL 2023
Etude fédération de Wallonie-Bruxelles : Etude Fédération Wallonie-Bruxelles
Etude SCAM : 9e Baromètre SCAM 2023
Répartition des revenus des auteurs dans l’étude de Fed Wallonie-Bruxelles
Évolution des redevances entre 2022 et 2023
À noter, par rapport à l’année dernière que moins d’auteurs connaissent une diminution de leur revenu (18,6% cette année contre 31,7% l’année dernière). Davantage ont vu d’ailleurs leurs revenus augmenter (45,7% contre 39,5% l’année dernière).
Nous avons voulu comparer l’évolution du chiffre d’affaires avec le nombre de livres publiés en 2023, en espérant découvrir que ceux qui ont vu leur chiffre d’affaires diminuer n’avaient pas publié en 2023. Effectivement, 29,73% des auteurs qui ont subi une diminution de leur chiffre d’affaires en 2023, n’ont pas publié en 2023, mais il y a tout de même une majorité écrasante (70,27%) qui ont bien publié en 2023 et ont tout de même observé une baisse de leur chiffre d’affaires.
Dépenses globales 2023
La définition de « dépenses » a été indiquée de la manière suivante :
« Tes dépenses liées à l’autoédition en 2023 (tous frais liés à ton activité d’autoédition, par exemple les frais de couvertures, corrections, publicités, de salons… mais aussi les éventuels abonnements à des banques d’image, de comptables, de frais postaux, formations, achats d’exemplaires…).
Comptabilise tout SAUF l’URSSAF / les cotisations sociales éventuelles, l’éventuel salaire que tu te verses et les impôts. »
Nous pensons que malheureusement, comme l’indiquent certaines remarques en champ libre en fin de questionnaire, ou par des retours qui nous sont parvenus par d’autres biais, la définition n’était pas assez précise, ou a été interprétée de manière différente en fonction des auteurs. Certains n’ont pris en compte que les dépenses explicitées plus bas et n’ont pas indiqué les éventuels abonnements, salons, les frais comptables, postaux, etc… D’autres ont inclus les cotisations sociales dans les dépenses.
En moyenne, les auteurs ont déclaré avoir dépensé 4369€ pour l’année 2023 (Soit environ 1300€ en plus que l’année dernière, soit 45% d’augmentation).
Nous avons cherché s’il y avait une corrélation entre le nombre de livres publiés en 2022 et le montant des dépenses globales. A priori il n’y en a pas. Ce n’est pas parce que l’auteur a publié plus de livres qu’il a dépensé plus.
Nous avons calculé une moyenne de dépenses par rapport au nombre de titres publiés en 2023 par l’échantillon. Nous obtenons un montant moyen de dépenses par livre de 2038€ (soit une augmentation d’un peu plus de 600€ par rapport à l’année dernière).
Répartition des dépenses des auteurs
À noter que par rapport à l’année dernière, une nouvelle tranche apparait, celle des auteurs qui dépensent plus de 30 000 euros (2,56%).
Sur le graphique ci-dessous, nous observons que les courbes bleue, orange et gris clair sont principalement présentes dans les premières tranches de dépenses. Plus nous avançons vers la droite du tableau, plus les groupes de CA importants font leur apparition, et ce sont donc les courbes bleu foncé, brune et surtout gris foncé qui prennent le pas sur les autres. Il y a une forte corrélation entre les dépenses globales 2023 et le chiffre d’affaires 2023. Nous allons d’ailleurs regarder les posts principaux de dépenses.
Rapport entre les dépenses et le chiffre d’affaires
Les frais d’édito
L’édito est le travail effectué par un éditeur sur un manuscrit, ce n’est pas une simple correction orthographique. Il s’agit de vérifier le fond de l’ouvrage. Sur ce point, nous ne sommes pas étonnés de lire que 67,3% des autoédités déclarent ne pas avoir eu de frais d’édito. Attention qu’ils n’aient pas eu de frais ne signifient pas qu’ils n’ont pas eu un édito. Dans l’autoédition, le troc de compétences se pratique beaucoup, les auteurs s’entraident énormément, ou ont autour d’eux parfois une équipe bénévole, qui prend plaisir à les aider avec leur ouvrage. L’édito est fortement encouragé pour tout ouvrage, afin de s’assurer de la qualité du manuscrit avant publication, mais certains bêta-lecteurs zélés peuvent réaliser un travail similaire.
Les frais de couverture
À la différence de l’année dernière, où nous avons eu 37,1% de l’échantillon qui disait ne pas avoir eu de frais de couverture, nous avons précisé cette année les possibilités de réponse. En effet, nous avions souligné que ces auteurs pouvaient faire appel à des professionnels notamment via le troc de compétences. Sans compter que certains auteurs sont également illustrateurs ou graphistes professionnels. 29,10% des auteurs ont déclaré avoir réalisé eux-mêmes leur couverture et 9,5% ont expliqué que des professionnels les avaient confectionnées de manière non payante, ce qui confirme nos hypothèses de l’année dernière.
Les frais de correction
L’année dernière, nous avons été surprises de constater que 48% de l’échantillon n’avait pas de frais de correction. La lecture des commentaires en champ libre à la fin du questionnaire nous avait appris qu’il s’agissait du poste de dépenses où le troc se pratique le plus, ou le bénévolat. Certains auteurs sont par ailleurs correcteurs, afin d’avoir un revenu accessoire, et s’échangent avec d’autres auteurs-correcteurs leurs manuscrits respectifs pour limiter ce poste de dépenses. Beaucoup d’auteurs font appel à des correcteurs bénévoles, comme des lecteurs grammar-nazi zélés, qui apprécient de pouvoir lire l’ouvrage en avant-première et d’aller traquer les dernières fautes qui s’y trouvent.
Cette année, nous avons donc proposé de nouvelles réponses. Au total 40,7% déclarent ne pas avoir eu de frais de corrections : 25,6% de l’échantillon total font eux-mêmes la correction, et 15,1% passent par l’échange de bons procédés. 25% n’ont donc pas de correcteur professionnel. Certains ont précisé passer par un relecteur professionnel, mais pas forcément un correcteur.
Les frais de publicité
Dans l’autoédition, du fait de la focalisation sur les ventes numériques, nous nous attendions à avoir beaucoup de frais de publicité. 26,6% de l’échantillon indique ne peut avoir eu de frais de publicités. Et 28,1% avoir dépensé moins de 249 euros. Plus de la moitié des répondants ont donc investi moins de 250€ dans la publicité en 2023.
CA | Dépenses |
42000 | Entre 750 et 999 euros |
45000 | Entre 5000 et 9999 euros |
51000 | Entre 2000 et 2999 euros |
52659 | Entre 10000 et 19999 euros |
55000 | Entre 1000 et 1499 euros |
57000 | Entre 0 et 249 euros |
60000 | Entre 5000 et 9999 euros |
74000 | Entre 5000 et 9999 euros |
74216 | Je n’ai pas eu de frais de publicités |
75000 | Entre 10000 et 19999 euros |
85397 | Entre 10000 et 19999 euros |
88490 | Plus de 30000 euros |
88542 | Entre 20000 et 29999 euros |
100000 | Je n’ai pas eu de frais de publicités |
110000 | Entre 2000 et 2999 euros |
112252 | Entre 250 et 499 euros |
400000 | Je n’ai pas eu de frais de publicités |
86,17% des auteurs qui font moins de 1500 euros de CA ont dépensé moins de 250 euros en frais publicitaires cette année. Ce point n’a pas changé par rapport à l’année dernière. En revanche, il apparaît plus difficile de constater que les plus hauts chiffres d’affaires sont ceux qui dépensent le plus en publicité. La stratégie TikTok non payante a-t-elle fait son entrée sur le marché ? Il faudra peut-être inclure cette question lors d’une prochaine étude pour éclaircir ce point.
Conclusion
Cette étude a pour but de suivre l’évolution des autoédités en francophonie et il était par exemple très intéressant d’observer cette année un revirement du côté des dépenses publicitaires, avec la potentielle émergence des réseaux sociaux comme publicité gratuite, et notamment de TikTok. Ce n’est qu’une hypothèse à ce stade, même s’il est certain que les réseaux sociaux ont un impact sur les ventes. Les meilleures ventes de livres d’une manière globale sont corrélés aux titres dont on parle le plus sur Booktok par exemple.
Les points très positifs de cette année sont l’augmentation du chiffre d’affaires pour les autoédités. 45% c’est assez extraordinaire ! Et l’augmentation des bénéfices de 37%. On est bien loin de montants mirobolants pour la majorité de l’échantillon, mais c’est un progrès très agréable à observer. Bravo à tous !